Isis était assise très droite sur une roche bordant le lac. Les vapeurs âcres qui émanaient des marais rendaient l’atmosphère un peu lourde. L’air était chaud, le soleil déclinait pourtant dans l’horizon, annonçant une soirée agréable. Au village, on s’affairait surement à préparer le souper, chacun vaquant à ses tâches sans se soucier du reste. Mais depuis combien de temps Isis s’était-elle soustraite de son travail pour disparaître sur le sentier menant aux marais ? Très peu de monde aurait pu le dire, car la jeune femme avait fait bien attention à rester discrète. Pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, ce lieu l’attirait irrésistiblement depuis sa rencontre avec Lewel. En vérité, elle se rendait quasiment quotidiennement aux abords du lac. Elle y restait immobile à penser, scrutant les traces dans la boue qui témoignait qu’un véhicule s’était tenu là quelque temps plus tôt. Les yeux dans le vagues, Isis tentait de se remémorer ce qu’il s’était passé ce jour là, quand il avait disparu. Elle n’avait fait que penser à son frère et à Glastonbury et ce qu’elle avait vus alors avait dépassé tout ses espoirs. Oui mais voilà, le bus avait disparu. C’était le signe. Le signe que tout ce qui était arrivé à Avalon pouvait en repartir mais aussi qu’Alanna n’avait pas menti… Pourtant, quand elle avait quitté la demeure de la Dame du Lac, elle était partie en courant droit sur les marais, rien ne s’était passé. Pourquoi devoir revenir coûte que coûte ici ? Isis n’avait pas trouvé de réponse, mais elle avait décidé de chercher. Quelque chose se passerait ici… Quelque chose de très important.

Mais il y avait autre chose qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs jours maintenant. Si Isis n’avait pas renoncé à son désir de rentrer chez elle, les paroles de Lewel avait fait mouche et le souvenir de sa mère revenait souvent la hanter. Elle lui avait appris la tolérance, l’esprit d’ouverture et de découverte… Avait-elle honoré cet enseignement depuis qu’elle était à Avalon ? Bien sûr que non, c’était même tout le contraire. Isis s’était comportée comme elle l’avait fait ses vingt dernières années, en furieuse hystérique et bornée. Mais est ce que c’était vraiment la solution ? Le discours d’Alanna avait certes fait mouche, mais sûrement pas de la manière dont elle l’aurait voulu. Isis avait décidé de se positionner en observatrice avisée. Regarder la communauté évoluer au fil des jours, observer le rôle de chacun et comprendre comment ils étaient tous intégrer dans le fonctionnement du groupe, sans jamais se gêner, sans jamais être de trop ou venir à manquer. La séparation entre les hommes et les femmes, les considérations qu’ils avaient les uns pour les autres, l’évitement, l’absence de « famille » en tant que telle, l’absence du père surtout. C’était un ensemble rodé par des années d’expérience et de pratique mais aussi par une certaine retenue. Comme si surtout, rien ne devait jamais changer. Cela l’avait intrigué mais elle n’avait pas osé poser trop de questions. Isis avait finit par s’avouer que c’était bien apaisant ce train train quotidien sans angoisses particulières. Comme si tout était déjà écris d’avance. Elle se sentait plus sereine c’est dernier jour depuis qu’elle avait accepté cela. Au fond, ce n’était pas tant des questions qu’elle se posait, en étant là assise sur sa pierre. C’était plutôt une relaxante méditation.

Aussi, les yeux clos, elle n’avait pas entendu approcher Madeline. Pourtant, un petit craquement de branche finit par la trahir et Isis ouvrit un œil pour contempler la nouvelle venue. Elle se sentait détendue pour une fois, intrigué aussi de voir la jeune femme en face d’elle. A croire que les marais attiraient les Elus… Elle sourit à Madeline tout en la saluant.

- Bonsoir Madeline.

Isis se demanda un instant si Madeline l’avait entendu. Cette dernière avait les yeux fixés sur les traces de roue dans l’herbe boueuse et semblait complètement ahuri.  C’était compréhensible bien sûr. Après tout cela soulevait autant de question que d’hypothèse farfelue, surtout quand on ne connaissait pas la situation dans laquelle cela s’était produit. Toujours immobile sur son rocher, Isis regardait Madeline en se demandant ce qu’elle pourrait bien lui raconter. Elle avait fait jurer à Lewel de ne rien dire à personne. Mais que ferait sa camarade, une fois en possession de l’information ? Ce qu’elle redoutait le plus, c’était de se retrouver une nouvelle fois en présence d’Alanna. Plus les jours avaient passé et plus elle avait eu envie de l’étrangler. Elle était si suffisante et bornée…
Haussant simplement les épaules, elle chercha le regard de Madeline avant de répondre d’un ton désinvolte.

- Il n’est plus là ! Il a disparu la veille de notre rendez vous chez Alanna. Personne n’est au courant, puisque c’est plus ou moins interdit de venir ici…

Isis avait-elle déjà précisé qu’elle s’en moquait vraiment ? Le dédale des marais ne lui faisait pas peur et les interdictions de l’île encore moins. Et puis de toute façon personne ne se souciait vraiment d’elle alors qu’elle importance ? A contrario, la présence de Madeline, ici dans les marais, l’étonnait vraiment. Non pas qu’elle fut couarde, mais elle ne l’avait pas vraiment vue s’aventurer seule en dehors du village jusqu’à présent. A croire qu’elle avait dû se faire repérer et que la curiosité de la jeune femme l’avait poussé à la suivre.

- Qu’est ce que tu fais là? Tu m’as suivi ?

Sa question n’était ni une agression, ni un reproche. Isis était très sereine et vraiment curieuse de connaître la raison de se présence dans les marais. Juste pour confirmer ses suspicions. Au fond, qu’elle puisse avoir été pisté ne la dérangeait pas. De toute façon quelqu’un aurait bien finis par le remarquer un jour où l’autre, alors autant que ce soit Madeline, qui était plus ou moins de son côté. Reportant son attention sur les contours du lac, Isis soupira doucement. Qu’allait-il advenir d’eux à présent ? Pourrait-elle une nouvelle fois parler à Hayden ? S’il lui avait tendu la main lorsqu’elle l’avait vue là bas, avec les moonligth, aurait-il pu la faire revenir ? Sans vraiment savoir pourquoi, la jeune femme était persuadée que son frère possédait une partie des réponses. Il n’était pas jumeau et ne partageait pas ce lien si spécial qu’ils possédaient. Mais Hayden avait veillé quotidiennement sur elle. Tantôt avec amour, tantôt avec violence. Le lien qui les unissait n’était comparable à aucun autre et les pressentiments qu’elle pouvait avoir à son égard était rarement sortie de nulle part. Ils pensaient souvent de manière identique et partageaient bon nombre d’idées. Elle ne se faisait pas d’illusion. Si elle l’avait vue ce jour là, ce n’était pas simplement parce qu’il s’agissait de son frère. C’était bien plus fort que cela.

- La curiosité est un vilain défaut !

Un sourire amusé sur le visage, Isis se demandait bien ce que Madeline pourrait attendre d’elle à présent…