J'avais promis à cette Elue, Isis, que je l'aiderais à trouver des réponses. Peut-être même que je le regrettais. Cependant, une promesse et une promesse et voilà qui me permettait de me rapprocher un peu d'elle pour en apprendre un peu plus sur eux. Tout ce temps, je ne m'étais pas vraiment fondu dans la masse, je devais le reconnaître. Mais j'entendais me rattraper. Je l'avais trouvée dans les vergers et lui avais donné rendez-vous le lendemain matin très tôt. Ce n'était pas vraiment interdit pour nous mais ce n'était vraiment pas autorisé. J'avais dans l'idée d'amener Isis jusqu'aux abords du Lac, là où ils étaient apparus. Qui sait, peut-être que moi-même trouverais une bonne idée pour mieux comprendre ce qu'il se passait depuis quelques temps. Balan et Kieran avait éveillé mon intérêt et ma curiosité et j'étais inquiet pour Avalon.

Mêler druides et prêtresses était toujours aussi mal vu, il n'y avait qu'à voir les rumeurs qui courraient sur mon frère aîné et l'ancienne Gardienne de la coupe sacrée. Si ma relation avec Isis était totalement différente, je n'avais pas envie que mon statut de Barde doué change. Alors j'étais resté dissimulé au bout d'un chemin pour l'attendre. Je savais qu'elle viendrait car comme moi, elle cherchait des réponses à certaines questions.

Ce n'était pas mon genre du tout... Je ne faisais jamais ça, j'étais quelqu'un de tranquille, qui ne cherche ni ennuis, ni problèmes. Mais la situation en Avalon était bien trop instable, je voulais en savoir plus moi aussi...

Il était vrai que j'avais fait preuve de discrétion mais c'était parce que je ne voulais pas me faire remarquer à fouiner de ce côté de l'île. Je me levai à son arrivée et levai mon index pour regarder autour de nous.

– Les marais, ce n'est pas vraiment un endroit où on a le droit de s'aventurer. Venez.

Il lui indiqua de la suivre sans relever son ironie et marcha un petit moment avant de se faufiler dans les marais, entre les arbres. Le soleil jouait de lumière entre les feuilles et on pouvait entendre quelques oiseaux chanter. Je faisais attention où nous marchions, tendant régulièrement un bras vers elle pour la soutenir s'il le fallait. Nous marchâmes en silence en suivant un chemin. C'était bien plus loin que ce que je pensais, finalement mais bien que désintéressé, j'étais plutôt curieux alors des questions tournaient dans ma tête pendant que nous avancions. Je n'ignorais pas Isis, je faisais simple abstraction, finalement. Voilà qui n'était pas vraiment dans mes habitudes, non plus.

Une bonne quinzaine de minutes et nous y étions enfin. Je vis leur étrange cage de fer reconnaissable au loin et je pressai le pas. J'avais manqué nous perdre à plusieurs reprises mais je comptais sur le fait qu'Isis ignorait tout de l'endroit pour ne pas le remarquer. Une fois sur place, je m'arrêtai à quelques pas de la grosse chose avec des roues de charette plus grosse que la pile de linge que les druides amassaient par jour, puis je désignai du menton le tout avant de regarder Isis.

– Qu'est-ce que c'est ?

La nature avait déjà commencé à prendre ses droits autour du bus. Combien d'Elus étaient venus ici pour tenter de comprendre comment ils étaient arrivés ici ? Certains avaient-ils même tenté de venir sans se perdre ?

Je n'étais pas habitué à ce genre de personne. Isis était un mystère pour moi et j'ignorais assez comment la prendre. On était loin de la jeune femme que j'avais vue près des étables quelques mois plus tôt. Alors à sa question, je me mis à bégayer légèrement en montrant le bus. Je n'avais même pas eu le temps de répondre qu'elle considérait mon éducation insuffisante. Je devais admettre que je n'étais pas des plus érudits mais ça n'a jamais posé de grands soucis à qui que ce soit. On me demandait de jouer de la musique, je possédais un don et je m'en servais autour de moi, voilà. Une nouvelle fois, des deux mains, je lui montrait le bus et haussai les sourcils.

– Cette... Chose.

Je relevai les yeux vers le bus et m'en approchai avant de la regarder à nouveau.

– C'est avec ça que vous êtes arrivés, non ? Cette grande machine. Peut-être que vous pourriez rentrer avec, alors !

En réalité, ce bus me donnait la chair de poule. J'avais beau le regarder, il était si grand et si froid à la fois avec des couleurs étranges. Une odeur s'en dégageait, je la sentis de manière plus intense une fois proche. Une odeur inconnue. Je posai ma main sur la carrosserie, intrigué par ce contact des plus étranges.

– Nous n'avons pas le droit de venir ici, où les Elus ont traversé le voile entre les Mondes. C'est impossible en temps normal. L'endroit est chargé de cette énergie puissante. Je voulais simplement vous amener ici en me disant que peut-être vous, vous sentiriez quelque chose de particulier ? On dit des Elus qu'ils sont particuliers, qu'ils ont des Dons pas comme les autres... Ca vaut peut-être la peine d'essayer, non ?

Et je lui souris en gage de ma bonne foi.

Si Isis s'énervait, j'étais plutôt doué pour garder mon calme. Alors je n'y ai pas répondu. Je me suis contenté de lui donner le peu de réponses que je pouvais.

– La Dame ne veut pas trop que nous venions par ici, l'endroit est chargé d'une énergie très particulière, ça peut être dangereux, mais... Vous avez un don... C'est obligé !

Je m'approchai un peu plus d'elle en levant les mains, comme si je voulais prendre les siennes pour la convaincre.

– Votre venue ne peut être un hasard, c'est impossible ! Je n'étais pas emballé au début parce que je ne savais pas, je croyais que... la Déesse vous avait appelés et que tout serait idyllique mais ce n'est pas le cas et j'ai entendu certaines choses, vu d'autres choses qui m'ont fait me poser des questions sur tout ça. Et quand bien même je suis convaincu qu'au plus profond de chacun de vous se cache un don inestimable, qui peut se révéler inestimable. Ne te sous estime pas, Isis. Il émane de toi quelque chose de très particulier et j'ai envie de t'aider. A te sentir mieux ici, à rentrer chez toi, peu importe ! Je suis comme toi, j'ai envie de comprendre ce qu'il se passe. Mais si vous devez nous aider, je ne veux pas que ce soit contre votre gré.

Je lui souris, cherchant à gagner un peu de sa confiance, je n'en demandais pas beaucoup, j'avais tant envie qu'elle m'écoute, qu'elle comprenne que j'étais de son côté autant que du mien, que j'essayais de rendre les choses plus faciles. Si je n'y arrivais pas, au moins avais-je le mérite d'essayer. Une main levée vers elle, une autre vers le bus, je réclamais son attention, acquiesçant comme faisant appel à sa patience. Puis je repris.

– Je voudrais que tu essayes avec moi. De voir, en t'approchant de ce lieu, si tu y sens quelque chose, une connexion avec ton monde. Essaye au moins de le ressentir, qu'as-tu à perdre !

Je sentis la jeune femme se rapprocher de moi. Petit à petit, elle capitulait et je la voyais se calmer. Etait-ce parce que je réussissais à la convaincre ou simplement parce qu'elle était trop fatiguée ? Quoiqu'il en soit, je vis ses épaules s'affaisser et l'animosité quitter son regard. Enfin... Comprenez que je n'aimais pas du tout les conflits, encore moins les colères. J'étais le tampon de deux frères passablement agressifs depuis des années. Car dans mon esprit, Kieran était agressif même s'il ne montrait aucun signe de violence mais ses pensées, ses agissements, ce nouvel aspect qu'il présentait contre notre mode de vie remontant aux légendes... C'était agressif. Datan, quant à lui était agressif dans ses paroles. L'un et l'autre se confrontaient depuis tellement longtemps qu'il m'arrivait parfois d'oublier qu'un jour, nous avons connu des temps plus faciles. Ils m'épuisaient et pour tout vous dire, je commençais à être épuisé de lutter contre les Elus moi aussi. Chacun tenait ses positions, j'avais vu des druides rire à certaines paroles d'un Elu, j'avais vu des prêtresses sourire comme si ce que nous n'étions ne pouvait être qu'une seule voie. Quant à eux, quand bien même je pouvais comprendre leur position, je ne pouvais m'empêcher de leur trouver de la mauvaise volonté. Pourtant, je n'en disais rien car ma patience n'avait pas atteint ses limites.

Je souris lorsque Isis prit la parole, lui tendant la main pour qu'elle s'approche de moi. Je voulais juste qu'elle comprenne que nous n'étions pas ses ennemis, que j'étais autant de son côté que du mien et... Que tout allait bien. Depuis qu'ils étaient arrivés, beaucoup de choses avaient changé et je voulais retrouver ma vie telle qu'elle était avant. Je faisais partie de ceux qui n'aimaient pas le changement. Mon regard dans le sien, je lui ai souris le plus calmement du monde, comme si j'avais la réponse à sa question.

– L'espoir. Notre île se meurt depuis des années, vous représentez un espoir d'une nouvelle vie, une nouvelle ère. Quelque part en vous, vous détenez notre avenir, la solution à tous nos maux... Il faut juste... La trouver. A croire que votre venue était la partie facile.

Je pouffai de rire et acquiesçai à sa nouvelle question. J'ignorais ce qu'était des chakras mais je venais de la voir sourire. Alors c'était une victoire pour moi. Et puis elle en avait un joli sourire sur son visage. Voilà qui faisait vraiment plaisir à voir.

– Encore une fois, j'ignore ce que c'est, mais... Je crois qu'ici on appelle ça, son esprit.

J'acquiesçai en riant et me tournai pour venir me mettre dans son dos.

– Très bien, il faut que tu essayes de te calmer, de respirer profondément, de faire le vide en toi, autant que possible. Peut-être que si tu penses très fort à ton monde, là d'où tu viens, ça ouvrira une porte. Si près de cet engin, ça peut créer un lien. Si vous êtes apparus ici, c'est qu'il y a une raison. Il faut se servir de la force énergétique qui réside ici pour, peut-être, te lier à ton propre monde.

Je n'avais aucune conscience de ce que vivait Isis. Pourtant, je sentis comme une énergie émaner d'elle. Au début, j'eus un peu peur car je ne compris pas tout de suite ce qu'il se passait. Mais quand Isis posa sa main sur le bus, j'ignore pourquoi mais j'ai senti quelque chose avant que ça ne se produise. Sûrement la musique qui émanait de cette magie à laquelle Isis faisait appel. Une fraction de seconde plus tard, je la sentis contre moi, puis dans mon dos un caillou me rentrer dans la peau. Emportés par une onde de choc sortie de nulle part, Isis tomba sur moi et je poussai un cri de douleur en sentant mon dos heurter la pierre. Pourtant, instinctivement, je roulai sur le côté, passant mon bras autour d'Isis pour la protéger dans le creux de mon épaule, d'une main derrière sa tête. Je sentis une puissante vague d'air souffler dans nos cheveux puis... Plus rien.

J'attendis un instant, le souffle court puis je relevai la tête légèrement pour la voir, m'assurer qu'elle allait bien, posant silencieusement la question des yeux, avant de regarder par dessus mon épaule, cherchant la nature de l'incident. Lentement, je me redressai sur un coude en fronçant les sourcils. Toujours à bout de souffle, mes yeux scrutèrent l'environnement jusqu'à se rendre compte que ce n'était pas un rêve : le bus avait disparu. Je finis de libérer Isis et me redressai, sans songer au mal qui me lançait dans le dos.

Il n'y avait plus rien. Juste la trace du véhicule dans la boue. Mais du reste... plus aucune trace. Je posai ma main au sol pour me relever en clignant des yeux, l'air hébété.

– Par la Déesse...

Quand avait-elle quittait le Tor ? Isis n’aurait pas su le dire. A présent, elle se trouvait dans une maison qu’elle ne connaissait pas et en face d’elle, Hayden se tenait assis, très droit et les yeux clos. La jeune femme se tenait en face de lui, assise également. Elle avait le sentiment d’être là, avec li et en même temps d’être ailleurs. La personne qui se tenait face à Hayden n’était pas elle.  A côté d’eux, il y avait un homme qu’elle ne connaissait pas et une femme qu’elle identifia comme devant être une de leurs voisines, une des femmes qui vivaient dans le manoir du bout de la rue. Est-ce que c’était là qu’ils étaient ? Un sentiment de joie intense l’a saisit alors. Hayden allait bien et il l’a cherchait avec toute la force dont il était capable. Un sentiment de grande tendresse l’assaillit alors.  Et puis un grand cri, comme un acte de pur désespoir s’empara d’elle sans qu’elle ne puisse le contrôler. La petite fille s’était subitement éveillé et appelé son frère de tout son cœur. Elle ne l’avait pas entendu arriver mais ne pouvait pas lui reprocher un tel acte. L’entendrait-il seulement ? Isis n’eu pas le temps de le savoir. Un choc violent l’atteignit en pleine poitrine comme une déflagration et elle se sentit projetée en arrière. Elle venait de se faire tout bonnement éjecté de son… rêve ? Voyage ? Lewel, qui était derrière elle, avait amortie sa chute en la serrant dans ses bras et elle s’était agrippé à lui comme à une bouée de sauvetage. Quand le monde avait cessé de tourner autour d’elle, Isis avait relevé la tête et croisé le regard de Lewel. Hochant la tête pour lui signifier que ça allait, elle le laissa se relever mais n’esquissa pas un geste. Elle avait besoins de reprendre ses esprits.

Isis ne doutait pas un instant de ce qu’elle venait de voir. Un instant, elle avait été à Glastonbury, les mains d’Hayden dans les siennes et son cœur battant au rythme du sien. Lewel avait raison, c’était possible. Est-ce qu’Hayden avait eu le temps de l’entendre ? Est-ce qu’il savait qu’elle aussi le cherchait ? Toute sa rancœur, toute sa colère s’était envolée quand elle l’avait aperçue et elle se sentait infiniment vide à présent. Vide de tout sentiment négatif. Assise, les fesses dans l’herbe humide des marais, Isis ramena ses genoux à elle et posa son menton dessus. Un sourire flottait sur ses lèvres comme si elle avait venait de recevoir le plus beau des cadeaux. Elle devrait sans doute remercier Lewel d’ailleurs.

Relevant la tête, elle chercha les yeux du barde mais il était lui-même accaparé par quelque chose d’autre. Suivant  son regard Isis étouffa un cri de surprise alors que Lewel jurait. Le bus s’était volatilisé. L’herbe piétinée et les traces dans la boue attesté qu’il était bien là auparavant. Ce n’était pas un rêve. Alors quoi ? Se relevant d’un bond, elle s’approcha de Lewel, posant une main sur son bras comme pour ne pas vaciller. Tournant la tête vers lui, elle chercha son regard comme pour se rassurer qu’elle n’était pas folle.

- Il a disparu… Il… Je n’ai rien fais ! Je jure je n’ai rien fais du tout !

A présent, Isis était au bord de la panique. Des dons soient, mais de là à faire disparaître un bus ? Ils n’étaient pas dans Harry Potter non plus ! Une brise de vent aurait suffit à la faire s’écrouler. Il n’y avait rien de rationnel à tout cela, rien du tout ! Esquissant un pas en arrière, elle voulait fuir, fuir ce lieu étrange avant qu’autre chose de plus grave n’arrive. Elle avait peut-être vue Hayden, mais quelles en étaient les conséquences ?

En sentant sa main sur mon bras, je tournai la tête vers elle. J'étais aussi estomaqué, sinon plus. Même chez nous, les choses n'apparaissaient pas et ne disparaissaient pas sans crier gare, par hasard. Peu importaient les dons d'Isis ou les desseins de la Déesse, une force était à l'oeuvre ici. Je rattrapai Isis par la main en regardant là où se trouvait le bus quelques secondes plus tôt. Je dégluti et reportai mon attention vers elle en levant ma main libre, tentant de la calmer.

– Je sais que c'est pas toi, je sais, calme-toi !

Je portai mes mains sur mes épaules et la fixai pour qu'elle se reconcentre. Quand j'eus accaparé son attention, je repris.

– Il faut prévenir les autres. Peu importe ce que c'était, il faut prévenir la Dame que quelque chose se trame.

Je n'eus aucunement la prétention de pouvoir en savoir plus sur ce qui s'était passé. Je n'étais qu'un druide, un barde qui plus est. Je n'étais pas fait pour prendre des décisions ou gérer des situations de crise, j'étais là pour l'ambiance, l'atmosphère. Tout ça me dépassait tellement. J'avais voulu aider, je l'avais fait et maintenant, quoi ? Je lâchai les épaules d'Isis et haussa les sourcils, interrogatif.

– Ca va aller, d'accord ?

Je m'avançais à dire quelque chose sans même en être sûr. Ce n'était pas vraiment mon genre. Sans être "rendre dedans", j'étais quelqu'un de plutôt franc. Mentir ne faisait pas partie de mon caractère. Ici, au-delà de ne pas tout dire à Isis, est-ce que je mentais ? Je me posais la question...

– Ca va aller ?

Quand Lewel lui attrapa la main, Isis resta une seconde interdite. Mais le doute qu’il y avait au fond des yeux du jeune homme la fit vaciller. Si ce n’était pas elle, alors c’était quoi ? Un acte de leur Dieu ou de leur Déesse ? Isis avait peur. Peur, parce qu’elle avait faillit perdre ce qu’il y avait de plus précieux pour elle, juste par entêtement. Aujourd’hui, elle n’avait fait que suivre l’instinct d’un druide et la jeune femme se retrouvait à nouveau dans une situation délicate. Est-ce que c’était une impression, où bien les ennuis se collaient à elle comme la peste ces dernier temps ? Quand Lewel lui fit face, l’appelant au calme, Isis inspira profondément pour se calmer mais si elle n’avait plus envie de fuir, sa main droite continuait de trembler convulsivement. Comme pour l’obliger à l’obéissance, elle l’attrapa fermement avec sa main gauche, domptant l’angoisse grandissante du mieux qu’elle pouvait. Croisant le regard de Lewel, elle pâlit soudain, esquissant un nouveau pas en arrière. Prévenir quelqu’un ? Alanna ? Elle aurait préféré mourir noyée dans l’eau opaque des marais plutôt que d’appeler cette femme à l’aide. C’était hors de question. Se redressant soudain, elle fit un geste négatif de la tête à l’intention du barde.

- Qu’est ce qui va aller ? Regarde autour de toi.

Isis fit un geste ample du bras pour désigner les marais et l’endroit où se tenait le bus quelques instants plus tôt.

- Rien ne va aller ! Et nous ne préviendrons personnes ! Je ne veux pas avoir à faire à Alanna. Peut-importe ce que tu en penses. Je ne ressens que de la colère pour cette femme et je ne lui fait pas confiance. Personne ne sait que nous sommes venus ici et personne n’a besoins de le savoir !

Isis plaque ses poings sur ses hanches en signe de détermination, pourtant, ses doigts continuaient de tremblaient avec frénésies.

- Si des réponses il doit y avoir, nous les trouverons, mais personnes ne doit savoir. Je ne veux pas !

De quoi avait-elle peur au fond ? De ce que les prêtresses diraient de l’événement, ou de ce que l’on dira d’elle ? Elle ne voulait pas avoir de dons ou quoique ce soit d’autre, il y avait déjà tellement de lutte au fond de son cœur pour ne pas en rajouter d’autre. Faisant un pas vers le barde, les yeux d’Isis exprimaient tout son désarroi devant l’événement mais aussi toute sa volonté de ne pas attirer l’attention.

- Lewel s’il te plaît…

Je ne savais pas quoi faire. Je n'étais pas vraiment perdu mais j'étais loin d'être certain de ce que je devais faire. Quand Isis se recula pour m'échapper, refusant de dire ce qui s'était passé ici, je fis un pas moi-même en levant les mains en guise d'innocence. Je ne savais jamais comment me comporter avec ces Elus ni ce que je devais faire. J'acquiesçai en haussant les sourcils.

– D'accord. Ne t'énerve pas...

J'avais bien saisi que la jeune femme était plutôt impulsive mais bizarrement, elle semblait bien me répondre et m'écouter. Si elle ne voulait parler de tout ça à personne, le ferait-elle avec moi ? Je clignai des yeux et me vit soudain troublé par son approche. Jamais personne ne s'était comporté ainsi avec moi. Me demander une faveur ou... Mes frères ne m'écoutaient jamais, ils préféraient s'énerver l'un sur l'autre. De plus, je n'avais rien d'un druide influent alors je ne prenais aucune décision ni n'aidait à les prendre. Sauf aujourd'hui. Je déglutis, mon regard dans le sien, avec cette impression d'avoir une rude décision à prendre, pour la première fois de ma vie. Pourquoi avais-je dû me mettre dans pareille situation ?! Je ne voulais pas de tout ça, je voulais retrouver ma vie tranquille, je voulais retrouver mes habitudes. Mais c'était impossible, c'était fini.

Je finis par acquiescer, baissant les mains doucement et j'abdiquai.

– D'accord. Je ne dirai rien à personne.

Ce n'était pas à moi de le faire, de toute façon. Pourtant, il faudrait un jour que je rapporte cet incident. Quelqu'un s'en apercevrait tôt ou tard, non ?

– Est-ce que tu veux me dire ce qui s'est passé ? Tu as vu quelque chose quand tu as touché ce... Enfin, cette chose ?

Si seulement Isis pouvait au moins me parler à moi. Que je puisse comprendre les faits. est-ce que j'en parlerais à quelqu'un ? Je le devrais mais est-ce que je le ferais ? Et pourquoi je ne le ferais pas ? Si on apprenait que je cachais ces informations, que m'arriverait-il ? Lewel, le gentil barde, devenait aussi cachotier que ses frères, que devais-je en penser ? Que devais-je songer de moi-même ? Je l'ignorais alors...

Lentement, les épaules d’Isis s’affaissèrent de soulagement. Elle-même n’aurait pas su dire pourquoi il ne fallait rien dire à personne, mais c’était un sentiment d’urgence qu’elle ne pouvait pas ignorer. Comme si sa survit en dépendait. Il n’y avait sans doute rien de tout ça, mais la panique l’avait submergé et l’idée que tout soit une nouvelle fois rapporté à Alanna ne lui plaisait pas du tout. Cette femme… lui faisait froid dans le dos. Croisant le regard de Lewel, elle finit par lui sourire.

- Merci.

C’était un mot qu’elle n’avait pas dis souvent et encore jamais à une personne de cette fichue île. Mais Lewel avait accepté, alors que la dissimulation devait au moins faire partie de tous leurs interdits. D’autant plus que ce n’était que la partie visible des choses. Est-ce que l’incident avait entraîné des problèmes sous-jacents ? Des choses qu’on ne pouvait pas voir tout de suite mais qui reviendraient comme un retour de boomerang ? Lewel prenait des risques pour elle et pour ce qu’elle avait pu en voir, ce n’était pas vraiment dans sa philosophie. Alors elle lui était reconnaissante aussi pour ça. Reportant son attention sur l’endroit où se trouvait le bus, un sourire doux et mélancolique se dessina sur son visage. L’espace d’un instant, elle l’avait vue et lui avait tenu la main, même si c’était par le biais de quelqu’un d’autre, elle était parvenue à retourner à Glastonbury. Tout était encore possible finalement. Tournant la tête vers Lewel, son sourire s’agrandit encore.

- Je me suis projeté sur le Tor, le notre, celui de Glastonbury. Je l’ai imaginé mais c’est comme si je me trompais d’endroit. J’ai sentie quelque chose, comme une force qui m’emmenait ailleurs et contre laquelle je ne résistais pas. C’était comme si l’on m’avait prit la main pour me conduire là où je voulais. Il y avait Hayden, mon frère et d’autres personnes. Il me cherchait, je le sentais au plus profond de moi-même. Je le voyais au travers des yeux de la femme qui lui faisait face. Et puis…

Isis soupira, comme si au fond la réaction de la petite fille avait déclenché son violent retour à la réalité. C’était stupide et elle aurait sans doute dû l’en empêcher. Mais au fond, elle-même n’avait eu qu’une seule idée en tête, hurler son prénom pour qu’il attrape sa main et la tire contre lui, pour la sortir de se cauchemar qui n’avait que trop duré.

- Je l’ai appelé, j’ai crié son nom et j’ai été expulsé. Je ne sais pas ce qui m’a rejeté comme ça mais c’était violent et sans état d’âme.

Tournant la tête une nouvelle fois dans l’espace vide à côté d’eux, Isis écarta les mains en signe d’impuissance évidente.

- Je n’ai pas vue le bus, je ne sais pas ce qui a pu se passer… Mais j’y étais Lewel… L’espace de quelques secondes j’étais chez moi !

Soit Isis était folle, soit elle possédait un Don extraordinaire. Ici, en Avalon, nous avions plutôt tendance à croire la deuxième option. Surtout lorsqu'il s'agissait d'une personne ayant déjà traversé les brumes dans un sens. Et Isis disait les avoir à nouveau traversées ? Je haussai les sourcils à son récit, abasourdi. Ce n'était pas commun et quel était ce Don qu'elle possédait pour se retrouver chez elle... Alors qu'elle était ici ! Etait-ce le même procédé que la déesse utilisait ? Si elle souriait, ce n'était pas vraiment mon cas. Dans quoi m'étais-je fourré ? Je soupirai et suivis son regard vers l'endroit où se tenait le bus quelques minutes plus tôt. Si quelqu'un s'en apercevait, on allait poser des questions et j'étais un bien mauvais menteur. Quels étaient les plans de la Déesse, est-ce que je les entravais ? Est-ce que je les servais ? Bon sang, je n'en savais rien du tout !

C'était comme cette autre onde, l'autre jour, que certains d'entre nous avions perçue. C'était comme une énorme vague de magie, puissante et personne n'avait su dire ce que c'était. L'Archidruide évitait carrément les questions. Il se passait quelque chose sur cette île, je n'aimais définitivement pas ça. Je baissai les yeux sur Isis pour la dévisager. Finalement, je ne connaissais rien d'elle. Ni des autres Elus. Nous n'avions pas posé assez de questions sur eux. Sur leurs modes de vie, oui, sur leur monde mais sur eux, personnellement ? Posant une main sur l'épaule d'Isis, je l'ai incitée à tourner les talons.

– Viens, rentrons...

Ce n'était pas tellement que je n'avais pas envie de croire en elle, ou que je n'avais pas envie de l'écouter, ni même... En fait, j'ignorais totalement comment prendre cette situation.

Spoiler:

Et c’était tout ? Isis regarda tour à tour la main de Lewel posait sur son épaule et son visage qui semblait exprimer tellement de chose à la fois qu’elle ne savait pas trop quoi en penser. Le barde l’avait fait venir jusqu’ici, lui avait proposé de tenter de trouver des réponses, n’importe quoi pour voir ce que cela donnerait et maintenant il tentait de fuir quand finalement quelque chose s’était produit… Si elle avait eu envie de le secouer et de lui hurler à la figure de lui dire ce qu’il attendait d’elle, Isis s’abstint pourtant de tout commentaire. C’était un peu comme si Lewel avait lutté contre sa propre nature en venant ici et qu’il se rendait compte à présent qu’il n’était pas à sa place. Pourtant, il l’avait aidé et c’est lui qui lui avait fait changer de position, de quoi pouvait-il bien avoir peur ?

Se dégageant de la main de Lewel, Isis le dévisagea un instant sans rien dire. Ses yeux n’exprimaient rien de particulier, si ce n’était peut-être une profonde perplexité.

- Tu devrais rentrer seul et te poser les bonnes questions Lewel…

Passant devant lui sans plus de cérémonie, elle emprunta le sentier par lequel ils étaient arrivés. Le chemin, elle le connaissait et savait comment se repérer facilement. Sa mémoire visuelle était très appréciable dans ses moments là. Où est ce qu’elle allait ? Elle-même n’en était pas très sûre. Dans un endroit calme sans doute, pour réfléchir plus tranquillement à ce qu’il venait de se passer. Au fond, elle se demanda simplement si elle n’allait pas retourner aux vergers. Le travail manuel lui vidait l’esprit et elle n’aurait pas le loisir de se torturer les méninges au moins. Avant de quitter définitivement le barde, Isis tourna la tête une dernière fois vers le jeune homme.

- Tu peux venir me parler si te le souhaite. Tu l’a dis toi-même, nous ne sommes pas ennemis. Mais il faut d’abord que tu accepte que ton monde tel qu’il est n’existera bientôt plus. Vous nous avez mis au centre de cette histoire, cela implique des conséquences… Bonnes ou mauvaises, le temps nous le dira. Tu m’as aidé Lewel, tu as participé toi-même à ce bouleversement. Plus personne ici ne peut se contenter d’être un simple observateur…

Tournant les talons, Isis s’engagea définitivement sur le sentier, sans se retourner. Elle n’avait plus rien à dire et Lewel avait sans doute trop de choses à penser. Les vergers seraient un bon endroit en fait. Elle voulait juste ce concentrer sur l’image qu’elle avait eu de son frère. Plus rien d’autre ne comptait à présent.