Glastonbury, 2 janvier 2013.La pile de cartons était impressionnante. C’était dingue le nombre de choses que l’on pouvait entasser dans une maison. Des choses plus utiles que d’autres. Le problème, c’est qu’on ne s’en rendait compte que lorsqu’on devait déménager. En général, c’était l’occasion d’effectuer un grand tri. Mais Andrea n’avait rien à jeter. En réalité, si on enlevait les cartons de livres, il n’en restait pas tant que ça.
* Bon, quand faut y aller, faut y aller *.
La majorité des cartons ne comportaient aucune indications sur leur contenu aussi les déménageurs les avaient-ils entassés dans le salon, ne sachant pas où les mettre. Maintenant qu’elle se trouvait devant le tas, Andrea ne pouvait que se reprocher son manque évident d’organisation. Elle attrapa le premier carton qui se trouvait devant elle et le traina sur le sol jusqu’à un endroit assez dégagé pour qu’elle puisse s’asseoir à même le sol. Une fois installée elle l’ouvrit et resta un instant perplexe face à son contenu. Elle se souvenait parfaitement d’avoir conservé ce carton durant des années au fond d’un placard mais elle en avait presque oublié son contenu. Simplement parce que c’était des choses qu’elle avait entassées là pour ne plus jamais les revoir, jusqu’à ce jour.
A l’intérieur de ce carton se trouvaient pêle-mêle :
- un uniforme de cheerleader, noir et blanc, marqué au nom de l’université de Yale. Andrea n’avait pas pu porter cet uniforme très longtemps, même pas une année scolaire. Il était le symbole de ses espoirs de carrière qui avaient été anéantis par Madeline.
- un autre uniforme de cheerleader, rouge et blanc cette fois, portant l’inscription « Titans ». C’était l’uniforme dans lequel Andrea avait arpenté les couloirs du lycée.
- un ours en peluche bleu usé jusqu’à la corde, le doudou qu’elle avait étant petite.
- un carnet à couverture en imitation cuir blanc constellé de tâches rouges, comme des tâches de sang. Andrea se revoyait encore, écrivant ses adieux sur la dernière page avant de prendre un couteau.
- un DVD, souvenir d’une pièce de théâtre dans laquelle elle avait joué au lycée. C’était Roméo et Juliette, elle avait réussi à obtenir de rôle de Juliette. Le DVD était accompagné d’une critique de presse très flatteur.
- et une collection de photographies. Sur l’une d’entre elle, on voyait Andrea en uniforme de cheerleader, pom–pom dans les mains, avec le reste de son équipe, genre photo officielle. Il y avait une autre photo d’Andrea enfant avec ses grands-parents. Une autre où la jeune femme était avec ses parents et Madeline. Andrea devait avoir 16 ou 17 ans et se tenait un peu à l’écart et, tandis que les trois autres souriaient, la jeune fille avait le visage fermé, l’air franchement ravie d’être là. Il y avait encore d’autres photos, souvenirs de son enfance, de son adolescence, des photos avec ses grands parents, avec Madeline (sur lesquelles on pouvait voir la seule chose qui pouvait différence les deux jumelles : leur expression. Andrea avait généralement un sourire bien plus sincère et un regard plus profond que Madeline). Et puis il y avait cette photo. On y voyait Andrea, en uniforme de Cheerleader de Yale, Madeline en habits de ville particulièrement élégante et, entre elles, un jeune homme qui portait le blouson de l’équipe de football de l’université. Madeline fixait l’objectif, l’air suffisant avec un immense sourire, le jeune homme, lui regardait Madeline avec une sorte d’étincelle dans les yeux. Quand à Andrea, elle était légèrement tournée vers le jeune homme et le regardait, avec un sourire absent.
Et puis il y avait un tas d’objets qui avaient, à un moment ou à un autre été importants aux yeux d’Andrea. Des objets qu’elle n’avait pas eu envie de jeter et qu’elle avait enfermé de ce carton jusqu’à les oublier.
Andrea avait, au fur et à mesure qu’elle redécouvrait ses objets, replongé dans son passé pour revivre les bons moments… et les mauvais aussi. Elle souffla un moment, remis tout dans le carton, referma celui-ci avec du gros scotch et le tira jusque dans sa chambre où elle le planqua au fond de son placard afin d’oublier… jusqu’au prochain déménagement.