Londres, Lundi 19 mai 1997, 19h.

Le soleil brillait encore sur Londres ce soir là et dessinait sur le sol l’ombre d’une petite fille qui se tenait à la croisée. Andrea avait le regard tourné vers l’allée de la maison. Ses grands-parents avaient la chance de posséder une assez grande propriété à l’écart du centre ville. Les yeux rivés sur le portail, elle attendait qu’il s’ouvre pour laisser le passage à la voiture de ses parents. C’était son anniversaire, et Timothy et Margaret Wilkes avaient annoncés leur présence au diner, avec Madeline. Cela avait surpris Andrea. Ses parents ne venaient jamais la voir en semaine. Même pour son anniversaire, ils se contentaient de passer le dimanche suivant, arguant le fait qu’ils avaient beaucoup de trop de travail. Et Andrea le savait, mais elle n’avait que 10 ans et elle n’avait pas encore perdu l’espoir que ses parents lui accordent un peu plus d’attention.

Le téléphone sonna dans son dos mais elle ne détacha pas son regard du portail. Il était maintenant presque 20h. Cela faisait déjà plus d’une heure qu’Andrea était assise là, sur le bord de la fenêtre et qu’elle regardait à l’extérieur. Elle entendit la voix de sa grand-mère qui avait décroché mais elle ne fit pas attention à ce qu’elle disait. Quelques minutes plus tard, elle sentit une main se poser sur son épaule.

- Andrea… commença sa grand-mère, tes parents viennent de téléphoner. Ils ne pourront pas se libérer ce soir. Ta mère a eu une urgence à l’hôpital, elle n’est pas encore rentrée et ton père plaide demain, il doit se préparer. Ils viendront dimanche midi à la place.

La petite fille se contenta de hocher la tête pour dire qu’elle avait entendu. Elle ne pleura même pas. Si son espoir était grand de les voir venir, elle avait l’habitude des coups de fil de dernière minute pour annuler. Ses parents le faisaient à chaque anniversaire. Mais elle ne pouvait pas leur en vouloir. Ils viendraient le dimanche suivant. Ils l’avaient dit, et ça, ils s’y tenaient toujours. Peut-être parce qu’ils se sentaient coupables de ne pas bien s’occuper d’elle, mais ça, Andrea était encore trop jeune pour l’analyser.

Elle se leva et s’écarta de la fenêtre pour aller s’installer à la table que sa grand-mère avait dressée. Celle-ci s’était attachée à combler la déception de la petite fille (qu’elle avait vu venir) en lui préparant tous ses mets préférés. C’est ainsi que la petite fille eut droit à une salade d’endives/pommes/bananes en entrée, des cuisses de canard confites avec pommes de terres sautés dans la graisse en plat et un fondant au chocolat avec glace à la menthe en dessert. Inutile de dire qu’elle se régala ! Puis quand elle eut terminé son repas, elle se leva de table pour aller se préparer à se coucher. Ensuite, elle s’installerait confortablement dans le fauteuil du salon, emmitouflée dans une couverture tandis que sa grand-mère, installée dans l’autre fauteuil lui lirait quelques poèmes de Lord Byron. C’était leur petit rituel du soir et Andrea ne le manquerait pour rien au monde. Elle ne comprenait pas le sens des poèmes, mais les mots formaient une musique qui lui était agréable à l’oreille.

Tandis qu’elle repoussait sa chaise, sa grand-mère l’interpella.

- Tu ne veux pas voir ton cadeau ?

Andrea se retourna vivement.

- Oh si !

- Et bien va voir dans le salon.

La petite se précipita dans la pièce nommée, ses grands-parents derrière elle. Elle n’avait pas eu le droit d’y mettre les pieds depuis qu’elle était rentrée de l’école, sa grand-mère ayant donné pour argument qu’elle venait de faire le ménage et qu’elle ne voulait pas qu’Andrea dérange tout.

Lorsqu’elle ouvrit la porte, elle remarqua un meuble qui n’était pas là auparavant. Il se trouvait le long d’un mur et était recouvert d’un beau drap. Elle interrogea ses grands-parents du regard.

- Vas-y, c’est pour toi ! Confirma son grand-père.

Et, sans se faire prier plus longtemps, Andrea s’approcha du meuble et tira sur la couverture.

- Oh un piano !

Elle se précipita dans les bras de ses grands-parents.

- Oh merci grand-père, merci grand-mère !

- Et si tu nous jouais quelque chose ?

- D’accord !

Elle s’approcha du piano, tira le tabouret, le régla à sa hauteur et s’installa. Elle commença par enfoncer quelques touches, comme pour tester le son du piano, puis elle se lança. Oh c’était un morceau sans grande prétention, mais finalement, elle était plutôt douée.