Un périmètre avait été établi autour de l'Abbaye de Glastonbury. Les visites touristiques annulées. Quand Harry avait appris la nouvelle, il n'avait pas hésité. Quand bien même on l'avait retiré de cette affaire, il en allait de son fils. Et comme n'importe laquelle des familles de disparus, il avait le droit de se pointer pour savoir de quoi il en retourne. Mais alors qu'il tentait de passer sous la corde de sécurité, un agent de police l'arrêta pour secouer la tête. Et puis quoi encore ? Harry fronça les sourcils, son visage très sérieux. Si on ne le laissait pas passer, il ne donnait pas cher de celui qui se tiendrait en travers de son chemin.

Un an était passé sans son fils et celui-ci aurait dû fêter son douzième anniversaire ce mois-ci. Harry l'avait fait à sa manière et il avait même eu un court instant de lucidité en songeant que jamais il ne reverrait son fils. Il n'avait même pas pris le temps de prévenir Leela, il avait couru jusqu'ici sans même chercher à comprendre ni à en savoir plus. Il connaîtrait les faits une fois sur place. Et maintenant qu'il y était, il ne passait plus ?

Il était flic, lui aussi, il avait le droit d'être là, et il voulait passer, voir ce bus de plus près !

David avait reçu l'appel une heure auparavant. Il était encore en entretien avec Jack O'Flaherty lorsque son téléphone avait sonné. Il n'avait pas perdu une seconde. Il avait congédié O'Flaherty, de toutes façons, il n'avait plus rien à en tirer et était venu directement. Le bus des disparus qui réapparait tout à coup, c'était peut-être enfin une avancée dans l'enquête !

Lorsqu'il était arrivé sur les lieux, il avait donné l'ordre que l'information ne filtre pas pour l'instant et avait fait sécuriser le périmètre.

Le bus était couvert de boue. Comme s'il avait traversé une zone particulièrement humide comme un champs ou l'abord d'un étang. Sauf qu'il n'y avait pas de traces autour du bus. Pourtant, les roues pleines de boue auraient du laisser des traces sur leur passage. C'était comme si le bus était réapparu là, tout d'un coup, comme s'il était tombé du ciel. Il avait demandé à ce que la boue soit analysée, l'intérieur du bus passé au peigne fin. Il y avait peut-être des objets personnels à l'intérieur, ou des empreintes. Il avait également demandé à ce que l'exterieur soit analysé. Là aussi, il pouvait y avoir des empreintes. Cela prendrait du temps, mais il était important que ça soit fait.

Il venait d'entrer dans le bus lorsque son talkie grésilla.

- Sergent Foster, on a un problème à l'entrée du périmètre... McCormack est là.

David retira ses lunettes de soleil, se frotta les yeux et les remit.

- Ok, j'arrive.

Il descendit du bus et repéra tout de suite Harry qui essayait de passer malgré l'agent qui tentait de le retenir. David ne l'avait pas encore vraiment côtoyé. Ils se croisaient parfois, au poste, depuis qu'Harry avait repris le boulot, mais ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter. Et à vrai dire, David se tenait à distance. Après tout, il avait récupéré l'enquête qu'on avait retiré à Harry.

- McCormack ? Qu'est-ce que vous faites ici ? 

Il avait bien insisté sur le fait que les familles des victimes ne devaient rien savoir pour l'instant, du moins tant qu'ils n'auraient rien de plus à leur dire que "le bus qui transportait votre disparu est réapparu". Mais Harry avait du entendre des conversations au commissariat. Les agents n'étaient pas toujours très discrets lorsqu'ils discutaient entre eux.

D'autant plus qu'un bus qui pop en pleine journée ne passe pas inaperçu aussi facilement. Ce qui amusait beaucoup les touristes, il fallait l'avouer. Il y avait un bus contre l'abbaye. De quoi faire flamber les passionnés d'anachronisme. Quand l'inspecteur Foster arriva, Harry était sur le point de faire comprendre qu'il n'aimait pas qu'on le touche et que la main sur son épaule ferait bien de vite se retirer de là. Le commissariat avait déjà vu Harry s'énerver quelques mois plus tôt. cette même bagarre s'était transformée en émeute. Si si, en émeute car elle avait réveillé certains esprits mal lunés. Harry s'en était sorti avec de jolis bleus, une lèvre fendues et une arcade légèrement ouverte. Et aussi un gros bobo à l'égo. Et son moral n'était pas allé en s'améliorant. Néanmoins, maintenant, le gentil et calme pragmatique Harry était devenu le colérique qu'on devait éloigner à tout prix.

La remarque de Foster le fit rire. Il se dégagea de la main de l'agent qui était là et releva son épaule pour que son uniforme reprenne sa place. Ce qu'il faisait ici ? Harry haussa les sourcils.

– A votre avis, ce que je fais ici...

Il était certain que Harry n'avait plus grand chose d'aimable du jeune agent recruté deux ans plus tôt. Un homme assez trapu arriva derrière et appela Harry mais celui-ci ne répondit pas. Il fixait Foster sans plus sourire et il avait bien envie de lui montrer que même s'il avait reprit son enquête, il ne pourrait le garder éloigné. Le coéquipier de Harry le prit par les épaules pour le faire reculer mais il résista, bougeant les épaules pour se libérer. Il se rapprocha de Foster en pestant contre son collègue.

– Je veux le voir. Je veux voir le bus !

[oops, j'avais pas pensé à ce côté "pouf un bus !" XD]

David fronça les sourcils. Des complications, il aurait du s'en douter. Et il n'avait vraiment pas besoin de ça aujourd'hui. Il avait déjà assez à faire avec cette histoire de bus qui apparait comme ça sans prévenir. Il avait essayé de peser de tout son poids pour que les médias ne s'emparent pas trop rapidement de l'histoire, mais il ne pesait pas bien lourd, les journalistes ne tarderaient pas à se ramener et rendraient leurs investigations encore plus exténuantes.

Il fixa Harry avec un regard vide - David avait un regard plutôt inexpressif - mais il comprenait la situation de son collègue. C'était un nouvel élément dans l'affaire de la disparition de son fils et il voulait en savoir plus, c'était normal. David aurait probablement fait pareil, s'il avait été père. Sauf que l'affaire avait été retirée à Harry, il n'avait donc rien à faire ici.

- Désolé mais l'entrée dans le périmètre est réservée aux enquêteurs. Vous n'avez pas l'autorisation de vous en approcher. Vous serez informé de notre avancée dans l'enquête en même temps que les autres familles. 

Habituellement, David n'était pas aussi froid et distant avec ses collègues et il n'hésitait jamais à leur prêter main fort lorsqu'ils butaient sur un enquête. Mais là, la situation était différente. Il venait d'arriver à Glastonbury, c'était la première affaire qu'on lui confiait, il devait faire ses preuves. Et puis, les flic de Glastonbury, il ne les connaissait pas encore, Harry encore moins. Sans compter que là, la situation était délicate, Harry était trop impliqué émotionnellement dans cette affaire pour qu'il puisse l'impliquer sans craintes.

Il n'avait rien de plus à ajouter. Harry n'était pas autorisé à s'approcher du bus, point. David n'avait pas l'intention de discuter à propos de ce sujet. Et surtout, il n'avait pas envie de perdre son temps en débattant avec Harry, il voulait examiner le bus au maximum avant que les journalistes ne débarquent et ne les perturbent dans leur travail. Saleté de journalistes, David ne les aimait pas beaucoup. Malheureusement, à moins que ceux-ci ne transgressent une loi, il ne pouvait rien faire contre eux, liberté de la presse oblige. Bah elle les faisait bien c** cette liberté de la presse, surtout quand elle les empêchait de travailler correctement.

David tourna les talons et commença à repartir en direction du bus.


[*d'ailleurs y'a un truc que j'ai pas trop saisi, Harry il est special constable, mais j'ai lu quelque part que c'était un grade spécial, c'était des volontaires pas vraiment policiers (enfin ils sont pas dans le circuit classique de la police britannique) mais l'article (http://en.wikipedia.org/wiki/Special_Constabulary) est en anglais et je suis pas spécialement douée en anglais. Du coup, je sais pas trop comment Harry se situe dans l'échelle hiérarchique par rapport à David. Tu crois que tu pourrais m'éclairer là dessus ?]

[Alors en fait, Harry est un agent de base. C'est un jeune flic, en plus malgré son âge mais il a fait une formation tardive après une reconversion. Donc David est supérieur à lui. Il a un uniforme bleu, tout ce qu'il y a de plus basique quoi. Techniquement, il n'a même rien de spécial. Et j'avais pas songé qu'en te donnant ce RP, j'avais pas d'idées . Ok, on va improviser.]

Harry fut retenu à temps par son coéquipier avant que David ne finisse en charpie. D'accord, il n'avait jamais cherché à faire copain-copain avec David mais comment aurait-il pu ! Le pire dans cette affaire c'était que Harry savait qu'il avait raison. Et il ne pouvait, finalement, pas le supporter. Alors, il le détestait, tout simplement. C'était plus facile ainsi. A nouveau, il se dégagea de l'emprise de son collègue sans quitter David des yeux qui se détournait d'eux. ce type devait bien se marrer... Débarquer dans leur petite ville et faire sa loi. Harry était quasiment né ici, c'était son territoire, il y avait connu son enfance, son adolescence, son fils ! Il revint à la raison - du moins en apparence - et tourna les talons à son tour. Son collègue avait raison, Harry était à deux doigts de perdre sa place, il devait à tout prix faire attention. S'il perdait son travail, il perdait un lien précieux avec son fils. Il ne pouvait se le permettre. Alors il a fini par se résigner.

Le bus fut transporter au dépôt en fin de journée, une fois tous les prélèvements du terrain assuré. Il ne valait mieux pas le laisser ici la nuit avec tous ces touristes. Batterie à plat et bougies mortes, il avait fallu le remorquer jusqu'au garage. C'était comme s'il était passé au travers d'un champs magnétique en quelque sorte qui avait bousillé tout l'électronique ! Harry aurait préféré qu'il reste là où il était, plus facile à atteindre. Mais le soir, la nuit tombée, Harry s'aventura du côté du garage.

Montant sur une beine, il se faufila à l'intérieur avant de tomber lourdement contre une étagère, de quoi réveiller tous les rats de la ville ! Dans une petite ville comme Glastonbury, on ne surveillait pas les garages comme on pourrait le faire à Londres. Mais cette nuit était particulière : il y avait un bus, principal acteur d'une enquête internationale. Mais pour l'instant, personne n'avait semblé entendre sa chute.

Harry patienta quelques secondes puis il observa les alentours avant d'apercevoir le bus. Il semblait en presque parfait état. Juste un gros shoot au niveau du capot, comme s'il avait rencontré un muret, un arbre ou quelque chose. Harry sortit de sa poche une petite lampe qu'il braqua sur le bus pour l'étudier. Il paraissait si gros, si grand, si imposant dans ce garage que Harry n'osa pas s'en approcher. Il soupira et finit par s'avancer, posant une main sur la carrosserie. Peut-être espérait-il ressentir quelque chose, avoir des visions comme d'autres personnes en avaient eues ? Mais rien. Andrea avait dit avoir vu son fils en vision mais lui, rien. Jamais. Une étrangère avait un lien avec son fils mais lui n'avait rien. Ca le déprimait un peu, sûrement pour cette raison qu'il était là, maintenant. Il ouvrit la portière et monta dans le bus pour essayer d'y trouver quelque chose, n'importe quoi. Mais il était totalement vide. Subjugué par le véhicule qui semblait porter tout une vie et en même temps le néant total, Harry ne songea pas un instant qu'une équipe de sécurité avait été dépêchée spécialement pour le bus.

Et malheureusement pour Harry - ou heureusement, ça seul l'avenir nous le dira - David faisait partie de cette unité. Il se tenait un peu à l'écart de ses collègues. Etranger dans cette ville, il était traité par les collègues d'Harry de la même manière qu'Harry l'aurait traité, la haine en moins. C'était normal après tout. Lui même avait fait pareil à Stafford quand un flic étranger était venu pour enquêter sur la mort de son père - on avait considéré que tout le commissariat était trop impliqué pour être vraiment objectif. Mais il avait finit par comprendre que ça avait été mieux ainsi, l'équipe de Stafford était conduite par la colère et l'envie de vengeance, cet étranger avait peut-être évité une bavure finalement. Et aujourd'hui, David était dans la situation de l'étranger, et il se disait, pour se donner plus de légitimité, qu'il éviterait peut-être une bavure lui-même.

Il avait entendu le bruit de la chûte d'Harry et avait reconnu l'agent. Un instant il avait songé à se précipiter sur lui pour l'empêcher d'aller plus loin. Téchniquement, l'accès du bus lui était strictement interdit. Pas pour rien qu'on lui avait ordonné de passer une nuit blanche auprès de ce maudit bus. Mais il se ravisa. Il allait faire sortir Harry, oui, mais rien ne pressait. Le bus avait, de toutes façons, été passé au peigne de fin. Les empreintes relevées - heureusement pour Harry d'ailleurs -, la boue envoyée à l'analyse, l'intérieur du bus fouillé et vidé de ce qui pouvait présenter un intérêt.

Du coin de l'oeil, il vit son "équipe" qui le fixait, attendant de voir comment il allait réagir. Aucun de ces hommes n'avaient envie d'arrêter Harry, il était leur collègue. Mais ils n'avaient pas non plus envie d'avoir des problèmes. David leur fit signe de rester là, et il avança lentement vers le bus, comme pour donner le temps à Harry de voir - une sorte de premier pas pour se faire pardonner son attitude du matin - et finalement, il monta.

- McCormack... Je devrais vous faire arrêter pour vous être introduit ici. Sur cette affaire, vous n'êtes pas enquêteur, vous êtes juste un parent. Et nous avons l'obligation de vous traiter comme tel.

David enfonça les mains dans ses poches comme pour dire qu'il n'en ferait rien - le fait d'être flic apportait tout de même quelques privilèges à Harry - et s'appuya contre une rangée de chaise. Il soupira et resta silencieux un moment, il ne savait pas trop quel comportement adopter. Harry n'était pas un civil, c'était un collègue avec qui il travaillerait plus tard. Mais ce n'était pas non plus un flic avec lequel il pouvait collaborer, échanger des idées sur cette enquête. Il aurait pu lui donner un ordre direct, en tant que son supérieur, Harry aurait été obligé de lui obéir s'il ne voulait pas avoir de problèmes, mais David pensait qu'Harry en avait déjà assez eu comme ça, des problèmes. 

Il soupira une nouvelles fois et reprit la parole, d'une voix calme. Il savait que ça ne plairait pas à Harry, mais ne voulait pas attiser sa colère.

- Vous feriez mieux de partir d'ici, maintenant, et personne ne saura que vous êtes venu.



Et il n'ajouta pas, bien qu'il le pensait "Sinon je me verrais contraint de vous reconduire dehors par la force et je ne suis pas sûre que vous récupèreriez votre plaque cette fois".

Harry ne s'y était pas du tout attendu, le nez dans un siège, à moitié accroupi en songeant avoir vu quelque chose, sa lampe braquée dessus. Mais quand David fit irruption, Harry se redressa vivement, portant le faisceau lumineux dans ses yeux, son coeur ayant raté un battement. Il n'avait rien d'un super flic ou d'un super papa, encore moins d'un super héros. Sans pour autant être une tanche, il était facilement surpris. Ce n'était pas vraiment, en plus, dans ses habitudes de se comporter ainsi. Personne n'était habitué à ce que Harry fasse le rebelle. De tout temps à jamais, Harry avait été ce garçon planté par une petite imbécile avec un môme dans les bras. Trop jeune, il avait été pris en pitié par les adultes de par ses choix d'assumer ses actes, tout seul. Mais aujourd'hui, ce temps était révolu et contrairement à avant, Harry était regardé de travers. De par sa relation ambigüe avec la détective trop fouineuse, et son comportement plus qu'étrange depuis la disparition de son fils. Il était devenu... plus imprudent, plus tête brûlée. La vérité, c'était que Harry n'avait plus rien à perdre aujourd'hui. Il n'avait plus sa femme, ni son fils, ses parents étaient assez vieux pour quitter ce monde d'un jour à l'autre, s'il lui arrivait quoi que ce soit, il ne leur manquerait pas très longtemps. C'était horrible de penser ainsi mais finalement, Harry préférait réfléchir de cette façon. Ca lui donnait de la force et une excuse pour agir. Ce ne serait pas celle qu'il donnerait mais... C'était pour lui-même.

Face à David, il resta interdit plusieurs secondes avant de secouer la tête en déglutissant.

– Non. T'as qu'à le prendre mon badge, ça m'est égal.

Harry était en lien avec certains témoins, mais aussi en lien avec certaines personnes ayant reçu des visions. Il était en lien avec Hayden, Penny et les Moonlight Ladies. Et aussi avec son co-équipier. S'il quittait son poste, il garderait ses sources. Il n'avait pas besoin d'être flic pour ça. Montrant le bus de sa lampe de poche, il reprit.

– Le gouvernement a décidé quelle excuse pour le bus ? Harry Potter ? Sur quoi ils vont mentir, encore ? Tu le sais qu'ils mentent. Où sont les personnes soit disant emmenées en quarantaine, à Halloween ? Le frère de Penny ? Où sont-ils ? Ce n'est pas un kidnapping, la police n'a aucun contrôle là-dessus. Tu le sais alors pourquoi t'es de leur côté ?

Il ne savait pas si David savait mais il jouait ses dernières cartes. Peut-être qu'en jouant la carte du désespéré du complot, il pourrait se mettre David dans la poche ? Qui sait...

David secoua la tête. Prendre le badge d'Harry ? Déjà, il ne pouvait pas faire ça, comme ça. Ce n'était pas à lui de décider. Et puis, il n'en avait pas envie. Qui était-il pour juger du comportement d'Harry ? Et puis, il le comprenait. Oh bien sûr, il ne pouvait pas savoir ce que ça faisait de perdre son fils, comme ça, du jour au lendemain, sans savoir ce qui lui était arrivé. Mais il savait ce que ça faisait, d'être flic et d'être évincé d'une enquête parcqu'elle le touchait de trop près. Lui aussi, il l'avait mal vécu. 

Lorsqu'Harry commença son interrogatoire, David releva la tête pour regarder droit devant lui, à travers la fenêtre du bus. Le reste de l'équipe de surveillance était là, fixant le bus, se demandant ce qu'il devait se passer à l'intérieur - il faisait trop sombre pour qu'ils puissent distinguer quoique ce soit. Lorsqu'il parla du bus, David haussa les épaules. Comment le gouvernement allait l'expliquer ? Ca il n'en avait aucune idée.Le gouvernement allait sûrement s'en sortir avec une pirouette que les plus crédules arriveraient à croire mais ce ne serait pas la vérité. Parce qu'évidemment, ils mentaient tous !

- A votre avis, pourquoi j'ai demandé à être muté ici ? Je ne crois pas à leur histoire d'enlèvement terroriste. Je ne sais pas ce qu'ils vont raconter pour le bus. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé à Halloween, ni où sont tous ces gens, pourquoi ils sont en quarantaine. Mais j'ai bien l'intention de le découvrir. 

Il inspira profondément, baissa de nouveau la tête avant de continuer.

- La moitié des flic de ce poste sont corrompus. Ils sont à la botte du gouvernement et ils ont oublié le fondement de leur métier.

Puis il ajouta, plus bas, pour lui-même.

- Mais pas moi.

David avait un idéal, enfantin, certes et totalement irréalisable dans le monde pourri qui l'entourait, mais il était bien décidé à faire son possible pour l'approcher. Son idéal, c'était le triomphe de la justice, la Vraie, et de la vérité. Ce pour quoi tout flic décide de s'engager, ce que, d'après David, ceux de Glastonbury avaient, en grande partie, oublié.

Il finit par soupirer et se redresser avant de regarder Harry. 

- Mais peut importe de quel côté je suis. Je ne peux pas vous laisser fouiller ce bus à votre guise. Vous n'avez pas le droit de rester ici. Vous devriez rentrer chez vous.

Allié ou "ennemi" ? C'était à Harry de choisir de quel point de vue il voulait voir David. Mais celui-ci, ne se présentait ni comme l'un, ni comme l'autre, pas de façon explicite en tous cas.

D'une manière ou d'une autre, David avait calmé Harry. Pas complètement mais suffisamment pour lui faire baisser sa garde. Il baissa sa lampe et pencha la tête en étudiant David. Il ne quitterait pas ce bus. Harry désigna un siège en haussant les sourcils. Il parlait très calmement, suffisamment pour se faire comprendre.

– Des personnes ont disparu. Dont mon fils. Et il était pas dans ce bus. Si je ne trouve rien pouvant se rapprocher de lui alors je m'en vais.

C'était faux. D'une, Harry n'était pas là que pour son fils, mais pour tous les disparus. De deux, s'il trouvait quelque chose... Il ne partirait pas. Il aurait pu rire de cette entourloupe d'ailleurs. mais s'il était calmé par le ton posé de David, il ne l'aimait pas plus. Sa tentative, froide, de lui faire comprendre qu'ils étaient dans le même camp ? Harry n'y mordit pas totalement. Pourtant... il ne réagissait pas comme un flic corrompu. Juste comme un flic... Neutre qui voulait juste faire son taf. Harry ne lui rendait pas la tâche facile. Qu'est-ce qu'il pouvait y faire, après tout ? Est-ce que c'était son problème ? Non, pas vraiment.

– Tu veux faire quoi si j'obéis pas, me cogner ?

Harry sembla étonné. Si David voulait en découdre, il aurait de quoi répondre. Il n'en avait aucune envie, cela dit mais Leela avait une fois expérimenté le côté brusque de Harry. Si elle n'avait pas fui, elle était pourtant bien placée pour savoir que quand il avait décidé d'une chose, il était presque impossible de le faire changer. Il recula d'un pas pour s'enfoncer dans le bus. Shiban aimait bien être devant mais sait-on jamais, il aurait pu décider de se mettre au fond pour changer ? Et puis David se situait sur le devant.

– Les témoins. Ils sont surveillés. Ce bus est surveillé. Je le sais, j'ai trouvé un micro. Un micro ! C'est quoi, la CIA ? Scotland Yard qui a débarqué ? Ce sont des témoins dans une affaire et on les met sur écoute, c'est normal ? Moi, je cautionne pas.

Harry protégeait les témoins de l'affaire en secret depuis un moment, maintenant. Il n'avait pas un lien avec tous mais chez au moins deux d'entre eux, il avait trouvé un mouchard avec Leela. S'il paraissait parano, il avait de quoi l'être. Harry n'avait plus confiance en personne. La disparition de son fils l'avait totalement transformé à présent.

David se redressa totalement cette fois. Il n'avait pas envie d'avoir des problèmes avec Harry, il était à peine arrivé à Glastonbury, il n'allait pas déjà se mettre un collègue à dos. Le problème c'est qu'il avait un sens du devoir très aiguisé. David connaissait son boulot et le faisait généralement sans état d'âme. Du moins tant que ça lui paraissait juste. Sauf que là, ce n'était pas juste de dire à un père qu'il n'avait pas le droit de chercher son fils. N'importe quel père aurait agit comme Harry s'il avait été à sa place ! Il se trouvait face à un sérieux dilemme et ne voyait pas trop comment s'en sortir. Il prit un inspiration et fit finalement ce qu'il savait faire le mieux : son boulot.

- Je vous rappelle qu'on vous a retiré l'affaire... c'est une bonne chose, je ne comprends pas qu'on vous l'ait attribué alors que votre fils faisait partie des disparus. Vous n'avez rien à faire dans ce bus McCormack. Je n'ai pas envie d'être votre ennemi, mais sachez que je ferai mon boulot si vous ne me laissez pas le choix.

David était bien campé sur ses pieds les bras croisés. Il n'était guère plus grand qu'Harry, mais des années de musculations avaient sculpté ses muscles et finalement, s'ils en venaient aux mains, il y avait des chances qu'il l'emporte. Sans compter qu'il avait un assez bon niveau en arts martiaux. Mais il ne comptait pas en arriver là.

- Alors vous cogner, non je ne le ferai pas. Pas mon style. Par contre je pourrais ramener à votre mémoire le fait que je suis votre supérieur hiérarchique et que vous devez obéir aux ordres que je vous donne sous peine de sanction. Et je ne pense pas que vous teniez vraiment à être évincé de la police, cela finirait par rompre totalement le lien avec votre fils. Alors certes, vos collègues seraient toujours là pour vous informer, mais qui vous dit que je les informerai de mon avancée dans l'enquête ? Et s'ils ne savent rien, ils n'auront rien à vous raconter et vous serez là, à tourner en rond comme n'importe quelle autre famille de disparus ! Vous êtes un privilégié, tous ces gens aimeraient être à votre place, vous êtes dans le secret ! Alors ne gâchez pas ça !

La suite de la conversation le prit de cours. Les témoins surveillés ? Le bus aussi ? Bon le bus oui, mais par lui, et par son équipe, pas par le gouvernement ou toute autre agence telle que Scotland Yard.

- Et vous croyez que ça me plait à moi ? Tout ce que je veux, c'est résoudre cette enquête au plus vite, pour que tous ces gens puissent retrouver leur tranquillité. Et vous, à vous dresser continuellement sur mon chemin, vous me faites perdre mon temps.

Ce qui n'était pas totalement faux. David avait des pistes à creuser, des informations à trouver, à croiser. Et au lieu de faire son boulot, il était là, à discuter avec Harry qui n'avait manifestement aucune intention d'entendre raison.

- Alors maintenant, je vous demande de sortir de ce bus, tout de suite. Sinon je vous fais raccompagner par les hommes qui sont dehors. Ce sont peut-être vos amis, mais ils ont peut de perdre leur poste eux. Ils ne braveront pas un ordre pour vous aider. Ils savent que vous n'êtes pas à votre place ici.

Des menaces ? Pas sûr, David était resté calme, sa voix posée. Il n'y avait pas la moindre colère dans sa voix, peut-être juste une nuance d'agacement lorsqu'il avait mentionné sa perte de temps, mais rien de plus. David savait parfaitement garder le contrôle, contrairement à Harry qui avait déjà prouvé qu'il perdait facilement son sang froid.

Harry n'avait nulle envie d'en dire plus sur ce qu'il savait. David avait ses sources ? Il avait les siennes. Les témoins étaient à lui. Que David garde la paperasse et les mensonges du gouvernement, lui, détenait la vérité. Ou du moins, s'en approchait-il. Les Moonlight, les témoins, les victimes de l'épidémie... David n'en savait rien du tout. Alors il le garderait pour lui. Il ignorait alors que Shannon avait aussi des informations qu'il n'avait pas mais ça... Il en ferait son affaire plus tard.

Finalement, il accepta les paroles de David. Si celui-ci pouvait se dire qu'il avait de l'autorité sur Harry et que ça lui ferait suffisamment les crocs, alors tant mieux. Pendant ce temps, il ne serait pas sur son dos et Harry et Leela pourraient continuer leurs petites affaires. Soupirant, Harry regarda par la vitre en cherchant ses collègues et se frotta le nez en reniflant. Ca lui donnait un côté rude même s'il ne le cherchait pas forcément.

– Ok...

Il abandonnait. Pour David. Mais il reviendrait bientôt à la charge. Il fixa son supérieur, les dents serrées et il acquiesça doucement. Il ne lui faisait pas peur mais dans un sens, il avait raison. Harry rangeant son téléphone dans sa poche et s'approcha de lui. Il ne se voulait pas menaçant, alors il baissa la tête et lui passa à côté, non sans bousculer son épaule pour descendre du bus. Qu'est-ce qui lui assurait que David ne le vendrait pas ? Rien. Mais ça ne changerait rien, de toute façon, pas vrai ?

David s'était préparé à ce qu'Harry ne lâche pas aussi vite. Il avait pu remarquer la pugnacité d'Harry, la façon dont il présentait ses arguments, presque comme s'il voulait convaincre David. Ce qu'il ignorait, c'est que David était déjà convaincu. Il fixa Harry un moment, presque méfiant. Comme s'il soupçonnait qu'Harry ne reculait que pour mieux rebondir. Sauf qu'il ne rebondit pas. Il se contenta de baisser la tête et de lui passer à côté pour sortir du bus.

David soupira, soulagé de ne pas avoir eu à faire intervenir son équipe. Si tel avait été le cas, il aurait été obligé de le signaler à ses supérieurs, il n'avait pas envie d'attirer des problèmes à Harry. Il sortit du bus à son tour, se demandant quand même si ses arguments avaient réussi à convaincre Harry ou si celui-ci n'avait pas autre chose derrière la tête. Si seulement Harry n'était pas aussi... fermé, il pourraient peut-être travailler ensemble, ils avanceraient sûrement mieux ou plus vite s'ils partageaient leurs informations. Parce qu'il ne doutait pas qu'Harry ait des informations que lui n'avait pas.

Il s'assura qu'Harry sortait du garage et rejoignit son équipe.

- Je pense que nous serons tous d'accord pour dire que l'agent McCormack n'est pas venu sur les lieux ?

Et comme ses hommes reprenaient leur discussion sans plus l'intégrer que ça, il retourna dans son coin, sortit son bloc note et écrivit toutes ce qui lui passait par la tête en rapport avec les disparitions. Une sorte de brain storming qui le mènerait peut-être à quelque chose.